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13 mars
On vous connaît mal. Jamais sans doute un candidat ou une candidate majeur(e) à l'élection présidentielle n'a été à ce point méconnu des électeurs. Comment l'expliquer ?

Beaucoup de choses pourtant ont été dites, écrites. C'est un paradoxe. De nombreux livres et articles ont paru sur moi. Je suis dans le paysage politique depuis longtemps, mais, c'est vrai, les gens ont le sentiment d'en savoir moins sur moi que sur d'autres. Pourtant on m'a reproché de m'exhiber, ce qui est quand même assez étrange. Notamment quand mon dernier enfant est né. Donc je ne sais pas, je vous retourne la question… (rires)

Ce qu'on lit sur vous ce sont toujours les mêmes choses : vous êtes née en Afrique, vous êtes la fille d'un militaire, vous avez grandi dans une famille nombreuse, catholique, vous étiez bonne élève à l'école… Cette bio façon Who's Who ne résume pas une personne. Vous y retrouvez-vous dans ce portrait un peu caricatural ?

C'est vrai que j'ai connu cet itinéraire assez atypique : je suis issue d'une famille de huit enfants alors qu'il n'y en a plus beaucoup ; j'ai vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans dans un village très rural et je suis aujourd'hui là où je suis… C'est un itinéraire curieux. J'ai su saisir mes chances au fur et à mesure de la vie, je crois.

Vous éprouvez vraiment le sentiment d'être atypique ?

Oui parce que rien ne me prédestinait à arriver là où je suis. Je viens d'une famille plutôt de droite. Quand j'ai passé mon bac, je ne savais même pas que Sciences Po existait. C'est de fil en aiguille, en picorant des informations que j'ai choisi mon itinéraire d'orientation. Il s'est trouvé que j'étais à Nancy et que c'était la seule ville de France où il y avait une préparation à Sciences Po, qu'un jour ma sœur qui était secrétaire au rectorat m'a rapporté un dépliant qui présentait cette préparation. J'étais inscrite à la fac de sciences économiques - volontairement, parce que mon père ne voulait pas que je fasse d'études supérieures.

Pourquoi l'économie ?

Parce que j'ai fait un bac économique, voilà. J'ai donc ensuite découvert par ma sœur l'existence de cette préparation. Elle m'a dit tiens : toi qui t'intéresses à la politique… Parce que je m'intéressais quand même déjà beaucoup à la politique. Je regardais tous les débats politiques à la télévision. Quand j'étais en pension, je me souviens que j'allais toute seule dans la salle de télé regarder les débats avec Françoise Giroud. Ça m'a toujours attiré le débat public. Je me suis donc inscrite à cette préparation qui s'appelait le CUEP, et j'en suis sorti seconde et suis après entrée à Sciences Po à Paris. J'ai travaillé en même temps, j'ai obtenu une bourse. Et puis à Sciences Po, j'ai appris que l'ENA existait. Je n'étais pas une initiée du milieu. Je me suis retrouvée avec des fils d'énarques, des enfants de gens de la haute fonction publique. Mais je n'étais pas du tout complexée. Sans doute pas très consciente de l'incongruité de ma présence dans ce milieu. Et puis j'ai été reçue à l'ENA et j'en suis sortie. On était en 1980 et c'était bientôt l'élection présidentielle. À ce moment-là François Hollande m'a fait rencontrer Jacques Attali, pour lequel j'ai travaillé, dans une soupente pas très loin d'ici à élaborer des réponses à des questionnaires. Et puis après l'élection, en 1981 j'ai été happée dans l'équipe Attali au 2 rue de l'Elysée dans un petit bureau annexe. J'ai fait mon trou, préparé des dossiers, bâtit des argumentaires… Il y avait un espace et je me trouvais là, c'est comme ça que j'ai été associée à la préparation du sommet de Versailles, le premier sommet des chefs d'Etat des pays industrialisés. C'était un peu le happening au départ en 1981. Un jour, on m'a dit tiens il faut faire un rapport pour François Mitterrand, préparer ce qu'il va dire au sommet. Rien ne m'étonnait : je devais avoir 24 ans, et je faisais le discours de François Mitterrand pour le sommet des chefs d'Etat…

En pension, vous vous intéressiez déjà dites-vous à la politique. Etait-ce dans un rôle d'observation ou bien aviez-vous déjà des opinions politiques très formées ?

C'est par le féminisme, je crois, par la question du droit des femmes que mes opinions se sont forgées. Avec la réalisation assez précoce qu'il fallait se battre pour y arriver. Donc tout naturellement à gauche. Mais ce n'était pas en réaction viscérale, comme cela a pu être dit, contre le milieu familial. Non. Par la prise de conscience de l'injustice faite aux femmes. C'étaient des années où ces questions étaient très débattues.

Quand avez-vous pris du conscience du fait que le modèle de vie plus ou moins imposé par vos parents n'était pas fait pour vous ?

En sixième. Très tôt. La sixième, c'est le retour de Martinique. Je sortais d'un établissement privé de religieuses, j'ai donc dû passer un examen pour entrer à l'école publique, et on m'a fait redoubler ma sixième, ce qui m'a peut-être fait du bien, d'ailleurs, parce que j'avais un an d'avance et j' j'étais toute jeunette. Alors je me suis retrouvée dans un collège rural d'un chef-lieu de canton des Vosges, Charmes. Pendant quatre ans, j'étais la meilleure élève de ce collège. Ça m'a tout de suite ouvert des perspectives : je me suis dit que je pouvais quand même avoir un autre destin que celui des femmes de ma famille qui ne travaillaient pas.

Des enseignants ou des camarades de classe ont-ils été déterminants ?

Des enseignants, oui, qui m'ont tout de suite poussée, qui m'ont dit qu'il fallait vraiment continuer.

Vous étiez meilleure dans certaines matières ?

Non, j'aimais toutes les matières.

Des matières que vous préfériez alors ?

Non, vraiment, j'aimais tout. J'adorais l'école. C'était un moyen de m'affranchir. Je suis un pur produit de l'école émancipatrice.

Avant l'école ou à côté, dans la famille, il n'y avait pas d'autres horizons ?

C'était dur, mais il y a toujours eu un horizon parce qu'on a vécu outremer, et ça procure des échappées imaginaires au moins. Ne serait-ce que l'imaginaire de ma naissance, c'est peut-être cela aussi qui m'a poussée…

Pourquoi c'est important pour vous d'être née à Dakar ?

Être née en dehors des frontières, c'est un plus, oui. C'est la biodiversité ! C'est le mystère. Quand on est petite et qu'on est née à Dakar, Sénégal, on est contente. Ça m'a marquée toute mon enfance. Quand à la rentrée je disais née à Dakar, Sénégal, toute la classe faisait ohhh. C'est le genre de petites choses qui marquent très fortement une identité, je pense.

À vous entendre, on a le sentiment que vous avez toujours vécu dans un statut d'outsider…

Un peu oui… Dans le débat interne au PS aussi, vous vous souvenez (rires). Et même maintenant, vous avez vu ce qui se passe… (re-rires)

Est-ce parce que vous avez toujours eu le sentiment de vivre ainsi que cette position d'outsider ne semble pas vous poser problème ?

Oui même s'il faut aussi à chaque fois de l'énergie pour s'imposer.

Enfant, y avait-il à la maison des livres ? alliez-vous au musée, au cinéma ? Quelle place occupait la culture ?

Des livres oui, parce que ma mère qui a fait une école agricole et n'a pas le baccalauréat a une culture rurale. Tout petits elle nous faisait faire des herbiers, observer la nature, mon grand-père nous apprenait les champignons… Il y a là une forme de culture originale, une éducation scientifique, botanique qui nous ouvrait l'esprit. Et puis j'ai toujours vu ma mère lire, aller à la bibliothèque du village, et parler de ce qu'elle lisait. Mon père avait une collection de livres de poche qui couvrait tout un mur.

Quelle place occupait la religion dans votre famille ? Et quel rapport vous-même entreteniez-vous à elle ?

Le rapport était très étroit, j'étais dans une famille très pratiquante. Pour moi, la religion a structuré à la fois la pensée et la transgression. C'est ça qui est très intéressant. Car quand j'ai pris conscience de l'écart entre le discours et les actes, je me suis dit, il y a quand même un problème. La religion fut un structurant culturel mais très vite, je l'ai aussi perçu comme une contrainte, comme la transmission d'un dogme, d'une discipline qui ne permettait pas l'épanouissement. Même si c'état aussi un repère, une identification. Ce qui est intéressant ensuite, c'est l'affranchissement. En comparant l'enseignement religieux avec ce qui se passait réellement, y compris au sein de ma propre famille, je voyais vite le problème . Sur la question de l'égalité hommes/femmes, sur celle du respect… Je voyais bien que ça n'allait pas.

Et aujourd'hui quel est votre rapport à la religion ?

Je ne suis pas pratiquante. Je défends très farouchement la laïcité, et en même temps je comprends les identités religieuses et le respect qu'on leur doit, par rapport aux convictions des gens. Ce sont des élements structurants de l'histoire, de la culture, des mentalités, c'est important de comprendre comment les gens réagissent. Je soutiens le dialogue interreligieux. Il faut comprendre la diversité du peuple français, dans ses identités religieuses ou, au contraire, non religieuses.

Vous parliez de la passion de votre mère pour les livres, y t-il une passion que vous avez partagé avec votre père ?

La musique peut-être. Il écoutait beaucoup de musique classique. Ça imprègne une enfance.

Et pour le reste, c'était difficile de partager avec lui ?

Difficile, oui. Il était lui-même victime d'une éducation rigide, le dialogue parent enfant existait peu, comme dans beaucoup de familles à l'époque. L'évolution des droits de l'enfant, tout cela est assez récent. Mais je n'ai pas été maltraitée. On m'a appris l'obéissance, l'honneteté, la rigueur, la discipline … Ça permet de réagir, de s'en affranchir.

De tous vos frères et sœurs, vous êtes celle qui s'en est le plus affranchi ?

Non, tous. Chacun à sa manière. Mais c'est une belle histoire. Parce qu'il y a des enfants qui ne vivent rien. Auxquels on autorise tout. Qui vont à vau l'eau, qui sont en souffrance parce qu'ils n'ont rien en face. Ils ont tout ce qui veulent. Ça n'a pas été mon cas - ça c'est sûr. Mais le principe même de l'éducation, c'est la limite. Il faut simplement qu'elle soit bienveillante et adaptable, cette limite.

Et quel a été votre rapport à l'autorité non plus parentale mais scolaire ?

Très bon. De toute façon c'était une époque où les élèves obéissaient. Il n'y avait pas beaucoup d'espace (rires)…

Vous entrez en pension en seconde. Pour beaucoup c'est un enfermement, mais pour vous ça semble presque une délivrance…

Oui c'était une libération bien sûr. Le milieu familial étant un peu étouffant, le milieu scolaire était un milieu de liberté. Pour beaucoup d'élèves, la pension peut devenir un élément de liberté, de confort de travail…

Y avez-vous rencontré des professeurs très marquants, importants ?

Non pas tellement en pension. Davantage au collège. La professeure qui m'a le plus marqué, c'était une PEGC, une ancienne instit devenue prof d'allemand. Elle s'appelait Marguerite, je m'en souviens encore, elle était d'une bonté ébouriffante, et en même temps d'une grande rigueur. Elle adorait les élèves, entraînait toute la classe. Il n'y avait pas d'humiliation. Ça m'a beaucoup marqué les mauvais élèves humiliés. C'est dur le milieu scolaire quand est mauvais élève. Je me souviens encore du visage des mauvais élèves humiliés. Des élèves auxquels on balance les copies en leur disant : zéro, t'es encore nul ! Je vois encore les visages de ces élèves. Et c'est ce souvenir très fort qui, lorsque j'étais ministre de l'enseignement scolaire, m'a conduit à réformer la notation. Un élève n'a pas le droit d'être enfoncé. Même si le devoir ne vaut rien, ce n'est pas l'élève qui est nul, c'est le devoir qui n'est pas fait. On lui refait faire, c'est tout.

Vous faites un lien entre cette violence scolaire là, et celle qu'on peut observer, dans l'autre sens, des élèves à l'égard de l'école ?

Oui, bien sûr. Il y a des élèves qui retournent la violence contre l'école parce que l'école a échoué avec eux. Il y a une violence contre l'école parce qu'il y a une demande d'école aussi. Hélas.

En 1968, vous avez 15 ans…

Oui j'étais en troisième et c'était formidable 68. Nous, on ne faisait pas grand chose, on a dû s'arrêter deux jours. Et puis moi je prenais le ramassage scolaire et dès que le car est passé on n'a plus la chance de traînasser devant le collège… Beaucoup d'élèves de milieu rural vivent ça, ils prennent le car, rentrent chez eux et après c'est l'isolement. Mais je m'en souviens encore, je sentais que le joug de l'autoritarisme était un peu secoué.

C'est à ce moment que se politise un peu votre vision des choses ?

Ce n'est pas impossible, oui.

Vous disiez que vous regardiez les émissions politiques à la télévision seule, vous ne partagiez pas cet intérêt avec vos camarades de classe ?

Ça n'intéressait pas les filles de mon âge à cette époque là.

Et avec le recul comment voyez-vous mai 68 ?

De manière positive. Je ne fais pas partie de ceux ou celles qui passent mai 68 par pertes et profits, qui lui font porter la responsabilité d'une confusion des valeurs. Il y a eu une confusion des valeurs comme pour toute époque un peu tourmentée. Après il a fallu recadrer un certain nombre de choses, notamment sur l'éducation des enfants, des choses comme « il est interdit d'interdire » etc. Mais sans doute cette transition était-elle nécessaire pour chambouler, pour rebattre les cartes de l'organisation de la société. Ce sont des mouvements de libération qui sont extrêmement refondateurs.

Récemment l'hebdo des socialistes à fait sa une sur avoir 20 ans en . De quoi aviez-vous envie à 20 ans ?

De liberté. D'insouciance. J'étais à l'université, j'étais heureuse.

Vous vous imaginiez faire quoi plus tard ?

Pas de la politique, j'avais aucune idée de qu'était un mandat, un engagement politique. Mais la chose publique déjà m'intéressait, le droit… Magistrate, je pense que c'est ce que j'avais à l'esprit.

Est-ce que votre aspiration à la rébellion, à l'affranchissement s'incarnait dans des personnalités que vous admiriez ?

Je me souviens avoir été vraiment secouée par la lecture, en terminale d'un livre de John Stuart Mill, De l'assujettissement des femmes. C'est un livre prodigieux d'actualité. La lecture de Simone de Beauvoir fut également importante. La biographie de Flora Tristan. Mais le premier livre qui a éveillé ma conscience politique c'est ce livre de John Stuart Mill.

Vous évoquiez François Giroud dans les débats télévisés…

Voilà quelqu'un à qui je m'identifiais. Féministe, intelligente, maîtrisant la parole, la dialectique, la modernité, L'Express…

L'Express, vous lisiez beaucoup la presse ?

Oui, étudiante je lisais les journaux.

Et à côté des figures intellectuelles ou politiques, certains artistes ont-ils joué pour vous un rôle important ?

Le premier film qui m'ait marquée, c'était West Side Story.

Les artistes, c'était Yves Montand, Léo Ferré, mais aussi la chanson populaire, Françoise Hardy, Christophe, Michel Polnareff. Et puis Simon and Garfunkel, au moment où je faisais du baby sitting en Irlande pendant les vacances, Leonard Cohen. Mais j'ai toujours aimé la musique classique, je ne peux pas m'en passer, Bach surtout, les concertos brandenbourgeois, le Requiem de Mozart…mon grand-père me faisait écouter de l'opérette quand j'étais enfant, j'aimais cela, les Contes d'Hoffmann…

Mes derniers spectacles, c'était Don Juan à l'Opéra Bastille, Philippe Caubère au Théâtre du Rond-Point…

Des choses très mélancoliques…

Oui, romantiques aussi.

Qu'avez-vous appris de plus important dans vos années à l'Elysée ?

Que la relation interpersonnelle était finalement ce qui était le plus efficace en politique. Même sur les sommets internationaux où l'on se dit que tout est calibré, bouclé à l'avance, François Mitterrand trouvait les moyens de dire : non ce n'est pas comme ça, ce sera comme ci. Ou : ce que vous m'avez préparé là ne tient pas debout, la ligne politique sur laquelle il faut tenir c'est celle-là. Ça marchait. L'obstination de l'action politique, de la cohérence de la pensée politique, si on la mène jusqu'au bout parce qu'on la tient fermement, ça marche.

Ça veut dire qu'il y a toujours une marge de manœuvre politique ?

Oui, la volonté politique déplace les montagnes. L'impossible devient possible. J'ai appris ça de François Mitterrand. Vu ce qu'il avait traversé pour être là, il était habité de la volonté politique. Au moins pendant le premier septennat. Il y avait une volonté permanente, il ne fallait jamais se laisser tordre dans des voies détournées, ou de se laisser imposer des choses qu'il ne sentait pas ou qui n'étaient pas conformes à sa route. Il avait la capacité de se secouer, de dire : ce n'est pas ce que je veux, ce n'est pas dans cette direction là que je veux aller, ce n'est pas ça l'horizon.

Avez-vous eu le sentiment qu'il fallait choisir entre Mitterrand d'un côté et Rocard et Delors de l'autre, entre première et deuxième gauche ?

Non, je n'étais pas du tout là-dedans. Ce n'était pas mon problème. J'étais au service de François Mitterrand. Je voyais bien les débats mais comme j'étais dans mes dossiers et non au cœur des problématiques politiques je n'avais pas tellement conscience des conflits. J'étais dans l'action, j'avais des sommets à préparer, des rentrées scolaires… Tout ce qui n'était pas attribué m'était confié : les jeunes, les problèmes de société, l'environnement… Très tôt, j'ai eu pendant ce premier septennat l'occasion de me pencher sur ces questions. Avec une grande curiosité. Je lisais tout, je rencontrais des gens, je faisais des notes, je regardais les enquêtes d'opinions, je faisais remonter tout ça à François Mitterrand, je lui faisais humer ce qui se passait, ce qui se disait. Tous les jours.

Au fur et à mesure que vous avez pris des responsabilités liés à vos mandats et à vos fonctions ministérielles, vous avez eu moins de temps pour tout cela, est-ce frustrant ?

Non parce que j'y passe encore beaucoup de temps.

Et vous pensez que c'est compatible avec la fonction présidentielle ?

C'est indispensable. Et puis il faut aussi avoir des gens autour de soi qui respirent, qui sont en palpitation. C'est ce que permet la démocratie participative. Et internet sur lequel je regarde ce qui remonte du terrain tous les jours. Tout est dit. Il faut le vouloir pour se couper du monde. Mais c'est vrai qu'il faut aussi le vouloir pour rester en contact.

Comment expliquez-vous que le mot culture soit à ce point absent de la campagne ?

Même si je n'ai pas encore prononcé mon grand discours sur la culture, j'en ai déjà beaucoup parlé. La réussite éducative, je l'ai toujours liée à la culture. J'ai dit qu'il fallait remettre de la culture partout.

Mais pourquoi a-t-on l'impression que ce n'est pas un enjeu de cette campagne ?

C'est vrai que la culture intervient tard dans la campagne. Grâce à vous, nous y voilà !

Les grandes lignes de la politique culturelle actuelle ont été définies en 1981 lors de l’arrivée de la gauche au pouvoir. Cette politique vous paraît-elle adaptée à l’époque que nous vivons ? S’agit-il de la modifier, de l’améliorer à la marge ou de la repenser plus profondément ?

En 1981, tout était à faire. Les politiques mises en place par la gauche ont permis l’éclosion d’une vie culturelle foisonnante. Depuis 25 ans de grands bouleversements ont profondément transformé le paysage culturel.

De nouvelles formes d’expression artistique ont émergé, des espaces inédits de rencontre entre le public et les créateurs se sont ouverts. Je pense en particulier à l’irruption d’internet dans la vie de chacun, notamment les jeunes.

Mais reconnaissons-le, des menaces et des dangers nouveaux se font jour. La richesse de notre vie culturelle ouvre des perspectives extraordinaires mais est aussi porteuse de dérives inquiétantes pour les artistes comme pour les citoyens : les sous-financements, les risques de concentration, les menaces de paupérisation des artistes, l’assèchement des représentations collectives et des identités, la mise en cause de la diversité, la perte de sens, les disparités d’accès à la culture sur l’ensemble du territoire. Les grandes concentrations mettent en péril la diversité de la création.

Comme le dit la grande écrivaine Toni Morrisson, « aujourd’hui tout est su, rien n’est compris. »

Je veux remettre de la pensée et de la volonté dans la politique culturelle de notre pays. C’est la mission historique de la gauche en matière de culture.

Il y a dans notre pays un profond désir de changement. Il y a le sentiment que la politique culturelle de l’Ėtat est en panne et les cinq années de droite ont accéléré la dégradation dans beaucoup de secteurs, notamment ceux du patrimoine. C’est une véritable catastrophe.

La gauche ne peut pas se penser sans la culture, ne doit jamais cesser de parler culture, de penser la culture, de vouloir la culture.

L’univers culturel s’est trouvé bouleversé ces dernières années par la révolution numérique, et c’est loin d’être fini. Comment la politique culturelle doit-elle prendre en compte ces nouvelles technologies et surtout leurs effets économiques, sociaux, juridiques et esthétiques ?

Constatons-le, les pouvoirs publics en matière culturelle et audiovisuelle ont traité la révolution numérique avec une triste désinvolture, donnant ainsi l’impression à nos concitoyens d’avoir toujours un train de retard.

Je veux que dans ce domaine la France soit à l’avant-garde.

Je suis heureuse de l’éclosion sur internet de nouveaux modes d’expression qui doivent tout à la vitalité créatrice de nos concitoyens et en particulier de notre jeunesse. Mais je ne confonds pas ce qui est l’expression d’une envie de culture et la démarche patiente, élaborée, exigeante, de l’artiste. L’un et l’autre sont indispensables. Il y a deux cents ans la France a inventé le droit d’auteur. Il n’est de grande nation que celle qui sait honorer ses artistes et leur donne les moyens d’exercer cette responsabilité singulière de témoin, de veilleur, de défricheur et surtout d’inventeur, qui sait les aider à suivre cette intuition qui les anime.

Quel que soient les chemins empruntés par les artistes pour trouver leur public, leur talent et leur travail doivent obtenir une juste rémunération.

Je veux qu’un large débat soit lancé dans tout le pays sur l’économie de la culture à l’ère numérique, pour refonder le pacte social entre la nation et ses artistes.

L’univers culturel s’est également trouvé affecté par la profonde transformation du capitalisme, entraînant notamment d’important mouvements de concentration. Comment dès lors garantir la diversité culturelle ?

Si l’on fixe bien les objectifs, s’ils sont bien compris, on trouvera les bons outils. Empêcher par exemple quelques grands groupes qui tirent leur puissance d’autres secteurs, notamment le BTP, les télécoms ou l’industrie militaire, de s’emparer progressivement de tous les médias, ce n’est pas lutter contre l’entreprise mais c’est veiller au pluralisme de l’information et à la diversité culturelle. Il faudra ainsi qu’une nouvelle législation travaille sur la définition et les critères des seuils de concentration, et ce sans doute à l’échelon européen. Aucun secteur aujourd’hui n’est épargné : la presse, l’audiovisuel, l’édition, le cinéma, la musique. Je serai de ce point de vue d’une vigilance absolue. Je veux par exemple soutenir les librairies indépendantes, dont le rôle de soutien à la diversité de la production littéraire et de lien social est indispensable. Faut-il rappeler que c’est la gauche qui a fait la loi Lang sur le Prix Unique du Livre ? je continuerai dans cet esprit.

Le développement des industries culturelles et ces phénomènes de concentration ont conduit à la constitution de groupes de culture et de médias, au point que certains chercheurs parlent aujourd’hui de médiaculture, comment articuler ces deux dimensions ?

Je vois que vous faites allusion au livre d’Eric Macé et Eric Maigret.

Incontestablement nos pratiques culturelles se déploient sur un territoire dont les frontières sont ouvertes. La distinction entre culture populaire et culture élitaire, qui générait des inégalités, n’est pas pertinente pour analyser la réalité des pratiques culturelles de nos concitoyens. Dans la même journée, nous pouvons voir une série télévisée, écouter un air d’opéra, aimer les romans de Gao Xingjian et écouter Abdelmalik ou le slam de Grand Corps Malade. Ce que l’on appelle les « cultures urbaines » sont par exemple le signe d’une vitalité réjouissante, elles ne doivent pas être ghettoïsées !

Ce décloisonnement est une réalité. Mais la possibilité accrue d’accès aux œuvres ne doit pas faire oublier que la démocratisation de l’accès à la culture reste un défi majeur, ce qui n’est pas garanti encore sur l’ensemble des territoires et des milieux sociaux.

Il ne faut pas non plus évacuer la question de la spécificité de l’art.

On ne peut imaginer une démocratisation culturelle sans artistes.

C’est à l’intersection de ces deux éléments , j’allais dire dans cette tension, médiaculture et art, que les politiques culturelles de demain s’inscriront. Ariane Mnouchkine dit : « nos enfants ne doivent pas seulement devenir des fabricants ou des consommateurs mais des êtres humains amoureux de l’humanité ». J’ajouterai : des citoyens libres, autonomes, capables de décider pour eux-mêmes et pour les autres, et de conquérir l’esprit critique, au sein de cette nouvelle République culturelle que j’appelle de mes vœux.

Quelle sera votre politique en matière d’audiovisuel public ?

La télévision devrait jouer un rôle essentiel, en étant l’espace privilégié du contact quotidien des Français avec la culture. Je dis bien « devrait », car elle renvoie souvent une image très éloignée de la réalité de notre pays.

Dans nos communes, dans nos région, la vie culturelle et artistique est foisonnante. Les cultures urbaines, les pratiques amateurs, les réseaux numériques, l'essor des identités culturelles et des langues régionales, auxquelles je suis très attachée… Partout se vérifie cette volonté d'agir et de créer, à laquelle la télévision n’offre pas ou peu de relais. Pourquoi n’y a-t-il pas de grande émission sur les arts plastiques ? Le cinéma ? La littérature ? L’histoire et le patrimoine ? La photographie ou le design ? Parce que la défense de notre identité et notre richesse culturelles, la diversité et la qualité des programmes, passent après les objectifs de rentabilité ?

Jamais je n’accepterai que la culture et l'information soient abandonnées aux seules forces du marché et à la marchandisation galopante, induite par la mondialisation libérale.

Comment concilier liberté d’entreprendre et liberté de créer ? Comment conjuguer l’efficacité économique, le soutien à l’innovation, et le pluralisme des idées, des créations, des publics ? Sortons de cette opposition absurde et stérile. Et donnons à notre pays les moyens de se doter d’une politique audiovisuelle forte, qui place tous les acteurs de cette filière, publics et privés, face à leurs responsabilités : garantir collectivement le pluralisme et la qualité de la création et de la production françaises.

Il faut développer et adapter le service public de la culture et de la communication aux nouveaux enjeux : être au service d'une information libre, d'une création audiovisuelle et cinématographique de qualité et dynamique (les fameux « films du milieu » dont parle Pascale Ferran), de programmes qui conjuguent attractivité et qualité.

Pour cela, j’entends créer les conditions d’un service public de la culture et de l’audiovisuel, fort et dynamique. Quelques initiatives y contribueront :

-La mise en place d’un Conseil Supérieur des Savoirs, des Arts, et des Sciences, directement placé auprès du chef de l’Etat, qui aura une mission d’observation, d’information, de proposition, fondée sur un constant dialogue avec tous les acteurs du monde culturel.

-La transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et culturel, afin que la culture soit placée au centre, et non plus à la marge, de la réflexion sur les sujets de société, au même titre que l’économique et le social.

-L’instauration d’une Haute Autorité du Pluralisme, en lieu et place du CSA, dont le Parlement aura la responsabilité de nommer les membres, à une majorité des 3/5èmes. Ses pouvoirs seront élargis, afin de garantir, mieux encore qu’aujourd’hui, la liberté de la presse et des médias, mais aussi d’élever le niveau d’exigence culturelle des médias audiovisuels.

Il faut aussi poser la question des moyens de l’audiovisuel public, et de ses modes de financement, qui ont peu évolué depuis sa création, il y a un demi-siècle, alors qu’il n’existait qu’une seule chaîne de télévision publique. Le sous-financement de l’audiovisuel italien a participé de la stratégie de Berlusconi pour bâtir son empire aux dépens de la RAI. Est-ce vraiment cela que nous voulons pour notre pays ? Entre l’anti-modèle berlusconien qui a vulgarisé la télévision et le modèle de nos amis allemands, anglais et scandinaves qui assure la suprématie de la création, je choisis évidemment le second.

Si je suis élue, je lancerai ce débat, en y associant les Français, puisque la quasi-totalité possède la télévision et la radio dans leur foyer. Nous avons, vis-à-vis d’eux, un devoir de vérité sur les moyens aujourd’hui dévolus au service public de l’audiovisuel, et de transparence sur la production des programmes, notamment à l’heure du tout numérique, de la TNT et d’Internet.

Autant d’outils dont j’estime qu’ils doivent aussi permettre de dégager de nouvelles ressources pour la production et la diffusion d’œuvres françaises et européennes de qualité, qui soutiennent vraiment la création de qualité. Aujourd’hui, il me paraît indispensable que les fournisseurs d’accès à Internet contribuent vraiment au financement de l’audiovisuel et du cinéma français.

L’Institut national de l’audiovisuel, en rendant accessibles gratuitement sur son site Internet les trésors de notre patrimoine audiovisuel est un exemple à suivre pour lutter contre les risques de nivellement et d’uniformisation, et faire de l’outil numérique un véritable espace de création intellectuelle, d’échange de savoirs et de compréhension du monde.

Enfin, il faudra une bonne fois pour toutes mettre à plat le dossier de l’audiovisuel extérieur (TV5, France 24, RFI) et répondre au mal endémique de la dispersion des moyens et du manque de coordination. Ce dossier a été géré en dépit du bon sens ces dernières années.

Faut-il une véritable politique pour le secteur des médias privés et en particulier la presse qui connaît une crise grave ?

Le pluralisme et l’indépendance de la presse sont menacées de manière dramatique. La situation des grands quotidiens français et le problème de leur distribution sont un péril pour la démocratie.

Je ferai en sorte que la presse écrite puisse trouver un environnement favorable à son renouveau : réforme des financements publics avec une indexation des aides sur de nouveaux critères (l’importance de la rédaction notamment) , fiscalité, création d’un statut des entreprises de presse.

Il faut garantir aux titres qui le souhaitent une indépendance économique et donc éditoriale. Il faut absolument trouver une réponse au problème structurant et handicapant de la faiblesse des fonds propres des entreprises de presse, grâce, pourquoi pas ?, à un nouveau mécanisme de déductions fiscales incitant les particuliers à rejoindre les sociétés de lecteurs.

A l’heure où ce secteur connaît un bouleversement majeur et historique, celui du numérique, les pouvoirs publics doivent avoir une politique active d’accompagnement de ce secteur indispensable à la vie de notre démocratie.

Après médias/culture, une autre couple médias/école. Vous avez à de nombreuses reprises insisté sur une meilleure articulation. Quelle place pour la culture à l’école, et quelles places pour les écoles dans la culture ?

Je veux que la culture fasse une entrée massive à l’école. C’est le premier lieu de la rencontre de tous avec l’art et de la réduction des inégalités d’accès à la culture. Ce que Jules Ferry a réalisé pour le calcul et la lecture, nous avons le devoir de le faire aujourd'hui pour les arts.

Ce doit être une vraie révolution, qui commencera par la reconstruction ce que la droite a défait, en démantelant le plan « arts à l'école », initié en 2000 sous l'impulsion de Jack Lang et Catherine Tasca. Ce plan ait été sabordé par le gouvernement auquel appartient le candidat de la droite à l'élection présidentielle : quelle crédibilité de bâtisseur peut bien avoir le démolisseur ?

Moi, je veux que tous les jeunes puissent voir leur sensibilité et leur esprit critique s’éveiller, par le contact personnel avec les œuvres, la découverte des lieux de création, la rencontre avec les artistes. Je veux encourager les pratiques artistiques, notamment celles qui sont collectives, parce qu’elles sont le meilleur moyen de faire l’expérience de la vie en communauté, d’en apprendre les règles, et même de lutter contre la violence.

De la maternelle à l’université, je veux renforcer la présence de toutes les disciplines artistiques et l’éducation aux images. Le rôle essentiel des bibliothèques-médiathèques doit aussi être soutenu.

Renouons avec l’esprit du Conseil National de la Résistance qui traçait comme perspective « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelque soit la situation de fortune de leurs parents ».

Dans un livre récent sur la politique culturelle américaine, Frédéric Martel insiste sur le formidable gisement d’emploi que peut constituer la culture et plus généralement ce qu’on appelle la crative class. Que faire pour encourager ces emplois ?

Mon premier engagement sera de défendre les emplois culturels, et de faire de la culture l’un des moteurs de l’innovation économique. La culture et l’audiovisuel, filières à part entière, sont l'une des clés d'une économie moderne dans un pays développé, porteuses d’innovation, vecteurs de croissance, et créatrices d'emplois, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Je veux que les entreprises culturelles et audiovisuelles, qui constituent un tissu très dynamique, soient reconnues pour le rôle qu’elles jouent dans l’économie de notre pays. A ce titre, elles auront toute leur place au sein du pacte que je propose avec les PME, et pourront bénéficier de tous les moyens que j’entends mettre en place pour faciliter et soutenir les projets les plus innovants.

Nous devons être à la hauteur de ce qui fait notre force et notre identité : une certaine idée de la culture et du rôle des créateurs. C’est, pour moi, tout le sens de la notion d’exception culturelle que je veux défendre. Ce n’est pas seulement, comme le croit la droite qui en a dévoyé l’idée, un instrument pour échapper aux règles du commerce international ! C’est l’expression la plus belle et la plus noble du traitement exceptionnel dont la culture et les arts doivent bénéficier, par leur nature et par leur fonction. L’économie de l’art, c’est d’abord celle de l’imaginaire.

Ce traitement exceptionnel, je m’engage à l’enrichir, par des droits spéciaux, des financements spécifiques, des dispositifs particuliers. Contre la logique du profit immédiat, c’est du temps que l’exception culturelle doit offrir aux créateurs : le temps de la naissance de l’œuvre, comme celui de sa rencontre avec le public.

Faire vivre l’exception culturelle, c’est véritablement inscrire la solidarité au sein du monde de la culture et de la pensée. C’est donner les mêmes chances à toutes les formes d’expression artistiques, des plus populaires aux plus avant-gardistes, des plus médiatisées aux plus confidentielles. C’est garantir la diversité des œuvres, des artistes, des entreprises, des sources de financement, au service d’une seule ambition : permettre que la création reste libre et plurielle.

Depuis des années maintenant la question des intermittents se pose sans trouver de solution, comment compter vous régler le problème ?

L’intermittence était un régime unique au monde, qui a été cassé par le gouvernement sortant. Les métiers de l’art et de la création sont incertains, irréguliers, parfois saisonniers. Le régime spécial de l’intermittence assurait une certaine régularité des revenus et une péréquation entre les plus privilégiés et les plus précaires. C’est la solidarité interprofessionnelle qui doit être rétablie à tout prix. En brisant ce régime le gouvernement a porté un coup à la création.

Dès mon élection, je m’engage à remettre sur le métier, avec les partenaires sociaux, le nouveau protocole qui vient d’être signé, car il est contraire à la philosophie qui a présidé à sa création : la solidarité entre les professions et entre les générations, la mutualisation.

Je partage ce que disait très justement Pascale Ferran lors de la soirée des César : « Sous couvert de résorber un déficit, on exclut les plus pauvres pour indemniser les plus riches ».

Il faut aussi des incitations fortes pour que les entreprises culturelles et audiovisuelles transforment nombre de contrats d’intermittents en CDI, comme l’exige le Code du Travail.

Cette réforme s’impose, non pas au nom d’avantages acquis, mais parce que l’équité et l’efficacité du système sont la condition de la vitalité artistique et culturelle de notre pays, elle-même condition du dynamisme économique et social de la France et de son rayonnement.

N’y t-il pas une inégalité forte entre les domaines : les plasticiens, les écrivains ne bénéficient aucunement de ce type de statut.

Je ne souhaite pas découper en clientèles le monde artistique. Les différents secteurs culturels n’ont ni la même réalité, ni les mêmes réseaux artistiques ni les mêmes circuits économiques. Une des bases de l’intermittence dans le spectacle, le cinéma, l’audiovisuel, c’est la présomption de salariat. Dire que demain les écrivains et les plasticiens deviendraient des salariés ne serait pas réaliste et serait surtout dangereux. Pour autant, cela ne doit pas nous conduire à maintenir des cloisonnements alors que les arts s’hybrident et se métissent, que les disciplines se rencontrent et fusionnent, écriture, spectacle vivant, jeux... Une fois le système de l’intermittence remis sur pied et les blessures soignées, j’ouvrirai très vite avec l’ensemble des partenaires le chantier de l’emploi culturel avec toutes les professions. Je crois en particulier qu’il faut que nous réconciliions le droit du travail et le droit de la propriété intellectuelle comme nous avons su le faire dans les années 80 en reconnaissant les droits des interprètes.

Je souhaite la valorisation des gisements nombreux d’emplois culturels de la maternelle à l’université, dans les nouvelles technologies et la médiation culturelle. La rénovation des universités passera aussi par la culture : il faut mieux équiper les campus et favoriser les pratiques artistiques de tous les élèves et les étudiants.

Aux Etats-Unis, il existe un tiers secteur très fort, ne pourrait-on pas imaginer créer en France aussi un statut d’organisation non profit qui serait soumises à d’autres règles juridiques, sociales et fiscales ?

D’abord je veux renouer avec l’audace de ceux qui avaient porté l’exigence que le budget de la culture atteigne 1% du budget de l’Etat. Si je suis élue, la culture sera une de mes priorités budgétaires : je redonnerai à la culture les moyens qu’elle avait durant les meilleures années des gouvernements de gauche. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire y auront aussi leur place.

Je veux, aussi, relancer la décentralisation culturelle, en renouant avec l’esprit de 1982. Aujourd’hui, les communes, les départements, les régions, les structures intercommunales, sont devenus les premiers financeurs de la culture. Ces dernières années, des politiques culturelles locales ambitieuses et novatrices se sont souvent substituées à un Etat silencieux, voire défaillant.

Je n’entends pas être la Présidente d’un Etat qui se défausse sur les collectivités territoriales. Dans le domaine des arts et de la culture, je veux un Etat fort, attentif, impliqué. Mais qui permette, aussi, aux régions, aux départements, aux villes, d’avoir une réelle capacité d’initiative, en leur donnant les moyens financiers et humains de porter de nouveaux projets, et de participer concrètement à l’aménagement culturel de nos territoires.

Complémentarité des rôles, responsabilités partagées : c’est aussi cela, un véritable service public de la culture, tel que le souhaitait Jean Vilar. Je souhaite lui redonner une puissance sans précédent, artistique, politique, institutionnelle et budgétaire. A la tête de ma région, j’ai doublé les crédits destinés à la culture pour soutenir l’emploi culturel dans la production et la diffusion des créations, pour mettre en place dans chaque lycée un projet culturel, pour créer dans chaque lycée un poste d’animateur culturel, pour soutenir les festivals ; et en contrepartie des subventions régionales, j’ai demandé aux festivals et aux salles de spectacle de la Région d’offrir des places à des gens qui habituellement n’ont pas accès à la culture. J’ai aussi lancé une politique de soutien à la création plastique qui favorise l’insertion et la promotion des plasticiens en leur garantissant le droit de présentation ; un Plan Arts de la Rue, un Plan Art Roman ; j’ai consolidé le soutien au spectacle vivant et au cinéma.

Je suis très attachée au rôle des associations, dont la mission d’éducation populaire est irremplaçable. Il faut encourager et développer leur travail remarquable pour garantir l'égalité d'accès de tous les citoyens à la culture, partout où ils expriment leur soif de musique, de théâtre, de danse, de cinéma, d’opéra, de littérature, de peinture, de poésie.

Je ne crains pas de l’affirmer : c’est aussi la responsabilité du politique que de permettre à chacune et chacun de faire l’expérience du plaisir des sens, de l’émotion esthétique, de la découverte de la beauté. Et pas seulement dans les musées ou dans les « beaux quartiers » mais aussi dans les lieux où l’art a plus de peine à rentrer. Les associations ont par exemple un rôle à jouer dans l’amélioration de la vie dans les maisons de retraite, elles font un travail remarquable dans les prisons où elles introduisent de l’humanité.

La politique culturelle de demain devra garantir la pérennité de leur financement, et la régularité de celui-ci. Il n’est pas normal que les subventions publiques financent des agios bancaires tout simplement parce que les subventions ne sont pas versées en temps et heure.

Vous semblez adopter une approche pragmatique de la culture, l’alternative entre politique en direction de la création et politique en direction des publics serait-elle une fausse alternative ?

Que vaudrait une politique culturelle qui aiderait les créateurs sans penser à ceux à qui ils s’adressent, qui prétendrait s’intéresser aux publics en oubliant les artistes ? Ce serait absurde. Je n’ai pas une vision technocratique de la politique culturelle. Il y a une alchimie merveilleuse lorsque la subjectivité d’un artiste rencontre la sensibilité de son prochain. Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus seulement l’accès illimité, mais le choix éclairé. Nous avons le devoir d’agir pour éviter que la profusion n’efface les frontières entre l’art et le divertissement, entre les produits marchands et les biens culturels. Pour empêcher que les besoins artificiels se substituent aux valeurs essentielles, que les citoyens se perdent dans un monde virtuel sans repères ni critères.

Permettez-moi d’évoquer la dimension internationale et européenne de la politique culturelle que je souhaite. Cette «Europe par la preuve » que je veux bâtir, ce sera aussi, l’Europe de la culture et de l’audiovisuel. Je défendrai la règle de l’unanimité pour garantir l'exception et la diversité culturelles, contrairement à la droite qui est favorable à la règle de la majorité qui signifierait la mort de l’exception culturelle. J’encouragerai la coopération avec les pays du sud et notamment méditerranéens pour soutenir toutes les formes de création. Le cinéma africain a des liens étroits avec le nôtre : nous devons les approfondir : quel meilleur exemple que le film franco-malien d'Abderrahmane Sissako, Bamako !

La culture c’est aussi un enjeu européen, c’est même le cœur battant de cette grande aventure. Comme l’écrivait Fernand Braudel : « la culture est la langue commune de l’Europe ».

Je veux porter cette ambition !
par Thomas publié dans : Ségolène
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12 mars
par Thomas publié dans : Ségolène
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9 mars

Partie 1 

Partie 2 (avec la Netscouade !!!)

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9 mars

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8 mars
Qu'est-ce que cela représente que d'être une femme en politique au 21ème siècle ?

C'est l'aboutissement d'une longue marche des femmes, de beaucoup de combats pour la conquête de nos droits politiques. Il reste encore du chemin mais le temps n'est plus où, comme dans l'entre-deux-guerres les sénateurs pouvaient à quatre reprises refuser le droit de vote aux femmes sous l'étonnant prétexte que nous aurions " la bouche trop petite pour proférer les gros mots qui sont monnaie courante dans les campagnes électorales. " Vous rendez-vous compte que, dans les manuels scolaires, on continue de dire " universel ", le suffrage qui, pendant un siècle, a exclu les femmes ? J'ai envie de vous répondre ce qu'en janvier Michelle Bachelet me disait au Chili : " le temps des femmes est venu... Pour le plus grand bonheur des hommes. "

Qu'est-ce que cela représente que d'être une femme socialiste aujourd'hui ?

Vous savez, je suis venue au socialisme par le féminisme. Un féminisme instinctif et juvénile qui m'a fait, dès l'adolescence, refuser la place que, dans ma famille, la tradition assignait aux femmes. De l'émancipation des femmes à celle de l'humanité toute entière, le lien s'est fait tout naturellement : je suis aujourd'hui socialiste parce que féministe et féministe parce que socialiste. Etre une femme socialiste, c'est refuser l'assistanat qui humilie et c'est vouloir, pour chacune et pour chacun, le pouvoir de conduire sa vie et les solidarités qui le rendent possible. C'est ne pas se résigner au désordre des choses, faire le pari que l'avenir peut être civilisé et la France redressée.

Qu'est ce que cela représenterait que d'être une femme présidente de la République ?

Une belle victoire de l'égalité, de la parité et de la mixité en politique. Pas une revanche : une évolution normale. La preuve que le peuple français est, une fois encore, en avance sur certains de ses représentants. Je crois les femmes aussi qualifiées que les hommes pour exercer à la tête de l'Etat la juste autorité dont le pays a besoin, rendre à la puissance publique son efficacité et gouverner avec tous les Français. Peut-être ce 8 mars sera t-il historique... J'ai pris l'engagement, si je suis élue, de faire entrer Olympe de Gouges au Panthéon, où elle rejoindra Marie Curie. Olympe de Gouges a écrit une belle Déclaration des Droits de la Femme qui proclame crânement : " La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit également avoir celui de monter à la tribune " Son idéal d'égalité civile et politique des hommes et des femmes la conduisit, on le sait moins, à réclamer l'abolition de l'esclavage. Le tribunal lui reprocha d'avoir oublié " les vertus qui conviennent à son sexe " : on la guillotina. Féministe avant la lettre, elle doit avoir toute sa place dans la mémoire commune de la République. D'ici là, le chemin est encore long jusqu'à l'élection présidentielle. Cette campagne, je l'ai voulue participative. Mon équipe, ce sont aussi les internautes qui nous lisent ! J'invite donc toutes les femmes, et tous les hommes, à nous rejoindre sur mon site de campagne (www.desirsdavenir.org) et à s'inscrire sur l'espace e-militants pour y participer.
par Thomas publié dans : Ségolène
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7 mars
Note personnelle :

Le Ministre délégué au budget n'est pas ce qu'on peut appeler le meilleur ami de Ségolène Royal.
S
'il y avait lieu à un redressement fiscal pour Ségolène Royal, ils ne s'en seraient pas privé.
Pour ceux qui n'ont aucune confiance en l'administration fiscale, vous pouvez au moins avoir confiance en la volonté de ces gens de nuire à Ségolène Royal, ce qui n'a pas eu lieu d'être.

Thomas

Communiqué de presse

Ségolène Royal rappelle qu'elle est la seule candidate à avoir rendu public son patrimoine, tel que déclaré aux services fiscaux et à la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Son patrimoine s'élève à 355.800 euros, soit bien au-dessous du seuil de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune. L'ISF qui a été acquitté est celui du foyer fiscal et non pas, comme cela a été dit à tort, celui du seul patrimoine de Ségolène Royal.

C'est le montant du patrimoine personnel de la candidate qui sera déclaré au Conseil constitutionnel, lors du dépôt de candidature, comme le prévoit la loi.

Elle récuse toutes les accusations de sous-évaluation avancées par le Canard Enchaîné, car l'évaluation de son patrimoine, uniquement acquis à l'aide de ses salaires et d'emprunts, a été évalué par un expert-comptable.


par Thomas publié dans : Ségolène
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7 mars

par Thomas publié dans : Ségolène
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5 mars
Si vous êtes élue le 6 mai, emménagerez- vous à l'Elysée?

Je choisirai la solution la plus utile à l'exercice de ma fonction, tout en préservant ma vie de famille.

Au pouvoir, comment conserverez-vous le lien avec le "peuple" ?

En veillant à ne pas me laisser enfermer. Chaque semaine, je ferai en sorte de me trouver sur le terrain aux côtés des Français, ceux qui souffrent comme ceux qui réussissent. Pour avoir exercé des fonctions ministérielles et avoir vu comment marche le cœur de l'Etat, je sais qu'il faut tenir son cap avec constance, lutter aussi contre soi-même, l'inertie, la routine, la mécanique de ses propres idées, car la charge de travail est énorme et le temps passe vite.

Vous fonctionnerez très différemment de François Mitterrand ?

Forcément. Ce sera l'incarnation d'un changement profond de la présidence de la République, de son protocole comme de son allure. Je sais que je dois faire mes preuves plus que d'autres. Je pense qu'il est possible de concilier la grandeur de la fonction et la simplicité, exercer pleinement le pouvoir, conduire une politique étrangère conforme à notre génie national – et résister en même temps à cette tentation monarchique à laquelle la République a trop souvent cédé.

"Avec moi", dites-vous, "la politique ne sera plus jamais comme avant…"

Nous vivons une crise démocratique profonde. Je pense être la seule candidate à en avoir fait lucidement le constat, à m'être remise en cause sur la façon dont je faisais de la politique et dont doit se nouer le lien avec les électeurs. Les Français sont prêts à venir voter une fois de plus – une dernière fois, j'allais dire. Ils doutent du système politique et en même temps ils ont tellement envie d'y croire, tellement besoin de son efficacité, de sa capacité à sortir la France de son état de déprime. Je mesure que le rapport au temps a changé avec le quinquennat. Il faut aller vite, non seulement au début mais tout au long et jusqu'au bout. Je veux fonder mon mandat sur le principe de responsabilité.

Comment concevez-vous le rôle de la présidente : arbitre ou super-premier ministre ?

Ni l'un ni l'autre. Présider, c'est arbitrer, décider, mais aussi parfois entrer dans le détail. Je ne m'interdis rien dans le respect d'institutions profondément rénovées.

Quelle forme de gouvernement mettrez-vous en place? Une équipe restreinte ? Parité homme-femme?

Je choisirai les plus compétents. En tenant compte à la fois de l'expérience et du désir de renouvellement, en ayant naturellement la parité pour objectif. Le gouvernement devra, chaque année, rendre compte de son action et vérifier qu'il dispose toujours bien de la confiance de l'Assemblée nationale, laquelle verra son rôle de contrôle de l'exécutif renforcé.

Une équipe 100 % PS ?

Tous ceux qui se reconnaîtront dans le pacte présidentiel auront vocation à rejoindre le gouvernement et la majorité présidentielle. Je souhaite qu'elle soit la plus large possible.

Des ministres de la société civile ?

Il est bon qu'un responsable politique se soit confronté au suffrage universel. L'exercice d'un mandat électif change la façon de voir la réalité. Il donne une expérience irremplaçable. Il vous rend solidaire d'une majorité et vous donne le sens du débat parlementaire et celui si essentiel de rendre des comptes. Tout cela ne s'improvise pas.

Comment transformez-vous l'écoute en action ?

En concevant le pouvoir comme un mandat. Et en faisant de mon pacte présidentiel la traduction de cette volonté. Je ne suis liée à aucun réseau, aucune puissance d'argent, aucun lobby, aucun grand média, aucune grande entreprise. J'ai horreur des gaspillages et du temps perdu. Je n'ai personne à placer et ne dois rien à personne si ce n'est au peuple français. Je suis d'une indépendance d'esprit totale. Et si je respecte le Parti socialiste, auquel je suis fière d'appartenir, je suis suffisamment autonome pour ne me laisser enfermer dans aucun dogme, comme je l'ai maintes fois prouvé.

Quels dogmes ?

Le pacte présidentiel est neuf et tire les enseignements du passé. Par exemple, la réconciliation des Français avec les entreprises. Ou l'urgente nécessité d'insuffler à notre pays le sens des compromis sociaux, à partir d'un syndicalisme puissant et rénové. Il est temps que la France sorte des logiques d'affrontement pour aller vers des logiques de dialogue et construise des cercles vertueux. A chaque fois qu'on défend les droits, il faut rappeler les devoirs et construire une société solidaire qui est le contraire de l'assistanat. A chaque fois que l'on veut distribuer, il faut dire comment produire plus et mieux. Il faut investir dans la qualité du travail pour en donner à plus de salariés.

C'est résolument social-démocrate ?

Je n'ai pas besoin d'étiquette. Je suis dans le socialisme du XXIesiècle.

Quelles seraient vos premières mesures dans les cent jours de votre arrivée au pouvoir ?

La bataille pour l'emploi des jeunes sera ma première priorité. En aidant les petites et moyennes entreprises (PME) à les recruter. Je lancerai tout de suite les emplois-tremplins. Je dispose d'un levier majeur, les régions, qui se sont déjà mobilisées : parmi les candidats, je suis la seule à proposer de les faire avancer dans le même sens que l'Etat. Les 65 milliards d'euros d'aides aux entreprises seront redéployés, pour supprimer les effets d'aubaine et les concentrer sur les PME qui innovent et qui exportent.

Le deuxième acte, pour relancer l'activité par le pouvoir d'achat, sera la convocation immédiate de la conférence sur la croissance et les salaires avec les partenaires sociaux : hausse du smic, relèvement des bas salaires avec le souci de ne pas écraser l'échelle des salaires. J'ai entendu les inquiétudes des salariés juste au-dessus du smic qui doivent aussi avancer. Les petites retraites seront revalorisées. Un état des lieux sera fait sur la dégradation du système de santé.

Le troisième concernera la préparation de la rentrée scolaire. Le rétablissement des emplois qui ont été supprimés dans l'éducation nationale permettra de diminuer le nombre d'élèves par classes et d'autoriser des expérimentations pédagogiques pour prendre en charge les élèves les plus difficiles. La culture fera une entrée massive à l'école. Sur tout cela, l'organisation d'Etats généraux en définira les contours avec les enseignants, auxquels je garantirai la reconnaissance de la Nation.

L'excellence environnementale se traduira par le moratoire immédiat des OGM en plein champ, des incitations fiscales aux particuliers pour les énergies renouvelables et des actions énergiques contre la pollution de l'eau. Enfin, le premier texte de loi sera la lutte contre les violences faites aux femmes et l'accès gratuit à la contraception des jeunes.

La réforme institutionnelle – limitation du cumul des mandats, réforme du Sénat, suppression du 49-3, introduction d'une part de proportionnelle, jurys citoyens, place de l'opposition – sera soumise aux Français à l'automne par voie référendaire.

Demanderez-vous le remboursement des aides publiques aux actionnaires privés d'Airbus qui se désengagent comme Lagardère ?

Oui, si un profit spéculatif a été enregistré juste avant que ne soient révélées les difficultés de l'entreprise. Il faut aussi repenser la question du comportement des dirigeants, en particulier au regard de leur rémunération et des conditions dans lesquelles ils partent après avoir échoué. Il y a des pratiques qui nourrissent une colère sociale profonde et légitime.

Que direz-vous à la chancelière allemande, Angela Merkel, à propos d'Airbus ?

Je vais d'abord écouter son point de vue. Et chercher avec elle un diagnostic commun et des solutions industrielles. La chance que nous avons c'est qu'elle a une approche très pragmatique et que je n'ai pas été impliquée dans les décisions antérieures. Nous pouvons avoir un regard neuf. Quand les intérêts des peuples et des salariés sont en jeu, il faut faire de la diplomatie autrement.

En politique industrielle, c'est la Commission européenne qui a autorisé les Canadiens à racheter Pechiney et qui a supervisé le sauvetage d'Alstom… On ne peut pas continuer à gérer les dossiers industriels au niveau européen uniquement sous l'angle de la concurrence. Il faut fixer un autre mandat à la Commission. L'emploi, le développement des territoires et la sauvegarde de nos technologies doivent être des critères déterminants pour apprécier les fusions.

Vous voulez modifier les statuts de la Banque centrale européenne (BCE), mais Mme Merkel s'y oppose…

Rien n'est jamais figé. Par sagesse et envie de régler les problèmes, je refuse le tout ou rien. Il me semble qu'elle aussi. Nul ne peut être opposé au fait qu'une banque centrale doive être aussi au service de la croissance et de l'emploi, sans affecter la valeur de la monnaie. On peut rassembler l'Europe sur ce double objectif. Tout est question de méthode. Les Polonais sont très libéraux et leur ambassadeur me disait qu'il n'était pas possible d'avoir une charte sociale. Je lui ai dit que son pays avait voulu affirmer dans la Constitution européenne les racines chrétiennes dans l'Europe et que les textes chrétiens défendent le respect de la personne humaine, la lutte contre la misère, le droit pour chaque famille de vivre dignement. Qu'est-ce d'autre sinon d'avoir droit à un salaire correct, un accès à la santé? Il ne m'a plus rien répondu. Il faut s'appuyer sur les convictions dans le respect des identités et montrer que le chemin que doit prendre l'Europe n'est pas antinomique. Voilà comment je conçois la diplomatie.

Quels changements doivent être apportés au traité constitutionnel pour que les Français puissent le ratifier ?

Il faut d'abord renouer le lien de confiance, entre la présidence de la République et le peuple français, par rapport à son vote précédent. Je pense être la seule à le faire, ne serait-ce que parce que j'ai dans mon équipe des responsables qui ont voté oui et non. Ensuite, il faut renouer avec les autres dirigeants d'Europe. La France est malmenée, pour ne pas dire humiliée dans les instances européennes après avoir donné des leçons à tout le monde. Il y a un travail considérable à accomplir dans le cadre de relations interpersonnelles pour renouer cette confiance. Je suis une Européenne convaincue, et en même temps j'ai compris le sens du non, en particulier du non des jeunes : la réponse à leurs problèmes immédiats ne pouvait pas être incarnée par ce qu'on leur proposait.

Il va falloir faire cette Europe par la preuve. Lorsqu'on aura réduit le chômage, quand l'Europe prouvera qu'elle parvient à se protéger contre les règles destructrices et illégales du commerce mondial, et les délocalisations, alors le regard changera. L'Europe doit lancer les chantiers mille fois annoncés mais jamais réalisés dans la recherche, l'énergie, la santé et l'enseignement supérieur. Mon intention est de passer par les pôles de compétitivité. Nous nous faisons une guerre économique interne alors que nous sommes en passe de nous faire dépasser par l'Inde et la Chine. Avant on délocalisait des t-shirts. Maintenant c'est Alcatel. Les gens ont peur. Nous avons un gouvernement inerte. Je veux mener cette bataille économique pour la France.

Vous ne faites rien à propos des traités européens ?

Si. Mais il n'est pas possible de revenir devant le peuple avec le même texte. Les parties un et deux, sur les institutions et la Charte des droits fondamentaux n'ont pas fait vraiment débat en France. Il faudra revoir la partie trois. Je propose à la place un protocole traitant des politiques nouvelles, du progrès social, des services publics et de l'environnement. Il faudra faire preuve d'humilité et de conviction comme me l'a dit Jacques Delors, que je consulte à ce sujet.

Ce protocole se substituerait à la partie 3 de la Constitution ?

Oui, mais plutôt que de parler de Constitution, parlons de traité. L'Europe a besoin, pour avancer à nouveau, de deux jambes : des institutions plus politiques et plus efficaces, et des actions communes pour préparer l'avenir.

Le protocole serait porteur de droits ?

Oui, même s'il faut des transcriptions en droit interne. Les idées progressent, même si c'est difficile de faire accepter par tous le respect impératif des principes liés aux droits sociaux.

Quand prévoyez-vous un référendum sur le nouveau traité européen ?

Il faut avoir réglé la question avant les élections pour le Parlement européen de juin 2009, ou au plus tard le même jour. Je suis prête à consulter de nouveau les Français, mais je demande qu'entretemps l'Europe fasse ses preuves sur les politiques communes et sur le social. C'est un délai très court. Mais c'est ainsi que l'Europe a toujours avancé.

Si le référendum est négatif, démissionnerez-vous ?

Non. S'il est bien préparé, afin de rassembler ceux qui se sont hier divisés, il n'y aucune raison d'échouer. Je suis même très optimiste.

Avec la fin du mandat de M. Chirac, son immunité pénale tombe. Faites-vous une amnistie, une grâce ou laissez-vous faire la justice ?

Il existe en démocratie un principe très simple : l'indépendance de la justice.

 


par Thomas publié dans : Ségolène
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4 mars
Quelle est votre vision politique de l'Europe (fédéralisme, union d'États-nation, ...) ?

Ségolène Royal : Dans la situation actuelle, parler de fédéralisme autrement que comme d’un objectif ambitieux à long terme ne serait pas réaliste. Les difficultés pour faire fonctionner une Europe à 27, avec de réelles disparités entre Etats membres, imposent de sortir rapidement de l’impasse, dont les « non » français et néerlandais n’ont été que les symptômes les plus visibles.

Régler ces problèmes institutionnels et politiques de l’Union est l’une condition nécessaire mais pas suffisante. Pour redonner aux citoyens un goût et une envie d’Europe, il faudra surtout des avancées concrètes, quotidiennes, sur des sujets qui les préoccupent, comme l’environnement, la recherche ou l’éducation. Cinquante ans après le Traité de Rome, l’Europe doit encore faire ses preuves. Ce n’est en rien un paradoxe : l’Europe est une idée qui se mérite, jour après jour.

Selon vous, quelles sont les frontières "naturelles" de l'Union européenne ?

Il faut je crois un équilibre entre une vision illimitée de l’Europe, où seule la volonté d’adhérer primerait, et une vision fondée sur la seule géographie qui, par nature, peut être interprétée diversement (pour les frontières non maritimes par exemple).

La première vision nous confronterait à un ensemble sans réelle continuité territoriale, extensible à l’infini, ingouvernable en pratique. A l’opposé, opter pour une Europe géographique aux contours très stricts, c’est se heurter à des questionnements sans fins, comme aujourd’hui pour la Turquie, ou demain pour l’Ukraine, la Biélorussie, la Russie, etc.

Il reste que la question des frontières naturelles ne peut pas être balayée d’un revers de la main, car elle permet de poser une limite – celle d’un approfondissement viable – à l’élargissement de l’Union. L’Europe ne peut pas et ne doit pas être une simple zone de libre-échange entre Etats désireux de s’associer.

Je pense que l’Europe est en fait à la fois un territoire commun, une histoire partagée et un projet conjoint. Réfléchir aux frontières de l’Europe et à l’élargissement suppose, au cas par cas, de prendre ces trois critères en compte.

Quel regard portez-vous sur les vagues successives d'élargissement depuis 2000 ?

Les élargissements de 2004 et sont à la fois un espoir pour l’Union et une nécessité politique et historique indéniable. Ces nouveaux Etats membres ont trop longtemps souffert de leur séparation d’avec le reste de l’Europe. Je veux aussi souligner que l’élargissement vers l’Est a joué un rôle essentiel de stabilisation de l’espace européen, en apaisant les tensions qui pouvaient exister au préalable entre ces Etats.

En raison de ce déficit d’explications, certains nouveaux Etats membres se sont vus - à tort - parés de bien d’autres maux. Ce malentendu doit être évité, d’autant qu’il conditionne aussi le succès des élargissements futurs. L’Europe, c’est d’abord un impératif de transparence envers les citoyens.

Le projet européen porte aussi des valeurs très fortes de solidarité : il est donc essentiel d’accompagner et de soutenir les nouveaux Etats membres dans leur actuel processus d’intégration. La solidarité avait pleinement joué lors d’élargissements précédents (Espagne et Portugal par exemple) : c’est un exemple à suivre.

Quelle est votre position sur le traité constitutionnel près de deux ans après son rejet par les Français ?

J’ai soutenu l’adoption du traité constitutionnel européen. J’ai donc vécu le rejet du texte comme une déception. Mais je crois être par ailleurs la seule candidate à l’élection présidentielle qui compte des soutiens proches ayant voté « oui » et d’autres « non » : j’ai donc aussi cherché à écouter leur point de vue et leur vision de l’avenir de l’Europe.

Je suis convaincue que de nombreux Français partisans du non ont sanctionné une insuffisante prise en compte des questions sociales, par l’Union en général et dans le traité en particulier. Cette dimension sociale devra donc nécessairement être plus présente à l’avenir, dans les politiques et dans les textes. La Présidence française en pourrait permettre de travailler avec les autres Etats membres à cette teneur plus sociale du texte.

Certains avancent parfois l’idée d’un mini-traité, que l’on ratifierait à la va-vite via un vote du Parlement : je crois que ce serait - une fois de trop - faire le choix de l’opacité et de la précipitation. Ce ne serait pas rendre un service à l’Europe ni à ses citoyens.

Quelle place souhaitez-vous pour la France dans le processus européen ?

La France a bien sûr sa part de responsabilité dans la situation actuelle : elle doit donc tout faire pour redevenir un moteur puissant et crédible pour l’Europe.

Le processus européen doit en permanence faire ses preuves. Or je vois aujourd’hui trois grands examens de passage à ne pas manquer pour l’Europe : la recherche de la paix pour donner du sens à la politique étrangère européenne, la solidarité pour assurer la cohésion interne de l’Union, le social pour répondre aux attentes des citoyens.

La France a toujours accordé une importance toute particulière à ces trois valeurs : je suis persuadée qu’elle saura œuvrer utilement pour placer ces trois ambitions au cœur même du projet européen.

Si je suis élue par les Français, je compte bien mettre à profit la Présidence française de pour redonner ainsi du sens à la construction européenne en la rapprochant des attentes concrètes des citoyens. Je compte aussi et surtout lui redonner toute sa crédibilité : dans les valeurs qu’il porte et les politiques qu’il applique, notre pays devra redevenir exemplaire en Europe.
par Thomas publié dans : Ségolène
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3 mars
golène Royal a présenté ses orientations en matière de défense, en indiquant qu'elle souhaitait "maintenir et adapter" l'effort budgétaire actuel, "appuyé sur une confiance renouvelée entre les citoyens et la défense". Elle a développé son programme sur ce qu'elle considère "être l'affaire de tous" et la candidate a affirmé qu'elle "veillerait" à ce que la dissuasion nucléaire "indispensable à notre indépendance (...) garde en permanence sa crédibilité et dispose des moyens de sa modernisation".

Mais "je n'ambitionne pas de rivaliser avec les 7.000 têtes américaines ou russes" a-t-elle affirmé en indiquant qu'elle se limiterait au "principe de la stricte suffisance".

Elle a assuré qu'elle maintiendrait l'effort budgétaire pour la défense au niveau actuel, soit 2% du produit intérieur brut (PIB), tout en précisant "qu'à l'intérieur de cet effort" des "redéploiements nécessaires" seraient opérés.

Car, a-t-elle ajouté, "l'effort sera hiérarchisé" et "toutes les coopérations européennes seront recherchées".

A ce sujet, elle a rappelé sa position sur la construction d'un 2e porte-avion, à savoir que ce projet "peut se réaliser en coopération avec les Britanniques", mais que "les discussions engagées (...) ne permettent pas encore d'envisager aujourd'hui avec certitude" cette construction.

"Un gouvernement de fin de mandat ne saurait, en démocratie, vouloir rendre +irréversible+, comme je l'entends dire (...), un programme qui incombera entièrement à son successeur et dont la nécessité de surcroît n'apparaît pas clairement établie", a-t-elle ajouté.

La candidate a soutenu une vision "globale" de la défense, où "tout se tient du renseignement à la protection de l'eau potable", tournée vers l'Europe, car elle n'entend "pas mettre (ses) pas dans ceux de l'administration américaine".

"Devant le désordre du monde, nous devons faire émerger en Europe un acteur stratégique" et "veiller à ce que l'OTAN ne dérive pas vers un rôle de gendarme du monde, se substituant à l'ONU", a-t-elle estimé.

Sur le nucléaire iranien elle a réitéré ses appels à une "fermeté sans faille" pour que Téhéran "se soumette aux contrôles de l'AIEA".

En fille et soeur de militaires, elle a particulièrement insisté sur la nécessité de "renouveler la confiance entre les citoyens et la défense" et d'améliorer la condition militaire.

Elle a renouvelé sa proposition d'un service civique qui "pourra avoir une dimension de formation de base aux missions de protection civile et de défense du territoire" et "déboucher sur des volontariats de services longs de 18 à 24 mois".

Pour renforcer "l'attractivité de la condition militaire", elle a souhaité que les "restrictions en tous genres" qui pèsent sur eux "soient levées" pour qu'ils accèdent "à la pleine citoyenneté" avec une généralisation de leur représentation "dans les instances de concertation".

Elle a aussi souhaité mettre les parlementaires au coeur du contrôle des opérations extérieures, qu'elle ne compte engager "qu'avec discernement", et qui disposeront d'un contrôle sur le renseignement et "d'informations complètes et actualisées" sur les ventes d'armes.

AFP
par Thomas publié dans : Ségolène
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