1) Quelle place considérez-vous que doit occuper la politique de concurrence pour que l'économie française soit pleinement compétitive ? Quelle place considérez-vous que la politique de concurrence doit occuper dans la réalisation des politiques que vous proposez de mettre en place si vous êtes élu Président(e) de
Ségolène Royal : La politique de la concurrence est bien sûr essentielle à la compétitivité de l’économie française en empêchant quelques entreprises qui ne jouent pas le jeu de créer des rentes à leur profit. Elle est aussi, ne l’oublions pas, au service de nos concitoyens. Je pense par exemple à la décision récemment rendue par le Conseil de la concurrence sur les opérateurs de téléphonie mobile ou à la décision de
Je rappellerai d’ailleurs que c’est en s’appuyant sur ce raisonnement que le gouvernement Jospin avait fait voter en mai 2001 la loi sur les nouvelles régulations économiques afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, d’améliorer la coopération internationale dans ce domaine et de contrôler les concentrations de manière plus systématique et plus transparente. A ce sujet, je regrette que le gouvernement actuel ait cru bon de relever très nettement le seuil de contrôle des concentrations, ce qui entraîne un contrôle plus faible que dans une majorité de pays européens.
La politique que j’entends conduire est fondée sur la revalorisation du pouvoir d’achat des Français, par une augmentation des bas salaires et des petites retraites et par une opération vérité sur les prix. La politique de la concurrence occupera toute sa place dans le cadre de ce dispositif. Je crois cependant qu’il ne faut pas ériger les règles de concurrence en dogmes intouchables et que celles-ci ne s’appliquent pas de la même manière aux services publics.
2)
Le sens de la construction européenne depuis vingt ans a été celui d’une libéralisation de pans toujours plus larges de nos économies. Les dogmes appliqués de manière souvent brutale ont donné une mauvaise image de l’Europe.
Quant aux résultats, ils ne sont pas vraiment au rendez-vous. Il serait d’ailleurs intéressant que
Nous continuerons donc de nous battre pour l’adoption d’une directive cadre européenne sur les services d’intérêt général qui permettra de faire reconnaître un droit spécifique des services publics. Dans le même esprit, nous demanderons un nouveau débat européen avant toute mise en concurrence de l’électricité pour les particuliers.
3) Etes-vous favorable à la constitution de "champions nationaux" ? Si oui, la politique communautaire de concurrence vous semble-t-elle constituer un obstacle à la constitution de champions nationaux ?
Je crois en effet que la politique de la concurrence doit évoluer sur ce point. A l’heure des OPA planétaires et de la très forte concurrence des Etats-Unis et des pays asiatiques, elle ne favorise pas la constitution de champions européens qui, plus que les champions nationaux, peuvent s’imposer sur les marchés mondiaux. Au contraire, il est arrivé qu’elle les pénalise par une approche tatillonne et finalement contre productive : les Français sont restés marqués par les exemples de Pechiney, de Schneider-Legrand, de Mittal et Arcelor. Il semble cependant que
Ce n’est donc pas tant la règle européenne que son interprétation par
4)
Là encore, je pense que
Les instruments européens doivent également être mobilisés pour aider nos entreprises à accompagner les reconversions. Le fonds européen d'ajustement à la mondialisation est opérationnel depuis quelques semaines et doit permettre de financer la reconversion des salariés touchés par des restructurations liées à la mondialisation. C’est un pas positif mais il faudra augmenter fortement la dotation de ce fonds, qui ne dispose pour l’instant que de 500 millions d'euros par an pour les 27 Etats membres.
5) Quel rôle voyez-vous pour la politique de concurrence en matière de lutte contre les délocalisations et de renforcement des PME ?
La lutte contre les délocalisations passe à titre principal par une politique commerciale européenne plus offensive. Il n’y a pas de raison que les pays européens soient les seuls à ne pas défendre leurs intérêts dans la compétition internationale qui se déroule. Il faut donc mettre en œuvre des instruments capables de mieux protéger l’industrie européenne contre les délocalisations extra-européennes.
6) Le législateur français a entendu mettre fin à certaines dérives observées dans la grande distribution ; par ailleurs,
Je crois qu’il faut tirer le bilan des effets d’annonces du ministre de l’économie de l’époque qui se sont révélées sans conséquences visibles pour les consommateurs. Les « marges arrières » des grandes surfaces n’ont pas disparu, elles ont simplement pris d’autres formes.
Tout reste donc à faire dans ce domaine comme dans celui de l’urbanisme commercial. Nos villages et nos villes ont besoin de commerces de proximité. Ce sont des lieux de vie qui contribuent à l’animation économique et sociale d’un territoire. Pour ces raisons, le commerce de proximité doit être soutenu partout et son implantation dans les banlieues doit être encouragée. Et je souhaite que le développement de l’urbanisation en périphérie des grandes villes se traduise par la création de zones consacrées au petit commerce.
Mais nos instruments de soutien au commerce de proximité devront être revus, pour gagner en efficacité et pour nous conformer au droit communautaire. La loi Royer, qui est vieille de plus de trente ans, est de toutes les façons à bout de souffle. Il faudra ouvrir une concertation entre les acteurs concernés pour trouver des solutions intégrant les objectifs de protection de l’environnement, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.
7) Le Conseil de la concurrence et
Je ne suis personnellement pas favorable à une pénalisation à outrance des pratiques anticoncurrentielles, telle qu’elle existe par exemple aux Etats-Unis. Il y a déjà des dispositions pénales pour les pratiques les plus graves qui sont très peu utilisées. Il faut au contraire renforcer le niveau des sanctions pécuniaires et encourager les programmes de clémence qui ont été créés par la loi de 2001 et qui marchent bien aujourd’hui.
En revanche, il est urgent de se doter, en France, d’un système d’actions de groupe digne de ce nom, c'est-à-dire qui ne soit pas que la somme des recours individuels comme c’est le cas dans le projet actuel du gouvernement, mais qui au contraire bénéficie réellement au petit consommateur et protège efficacement ses droits. Je rappelle que le Parti Socialiste a déposé à l’Assemblée nationale fin décembre un contre-projet de loi sur les procédures judiciaires collectives, élargies entre autres à l’environnement, qui a été salué par toutes les associations de consommateurs.
8) En France, le régime des concentrations d’entreprises est placé sous le contrôle du Ministère de l’économie, le Conseil de la concurrence pouvant être appelée à formuler un simple avis. Le régime communautaire des concentrations est quant à lui sous le contrôle de
Comme je l’ai déjà indiqué, le régime européen me semble moins devoir modifier sa structure que sa vision économique. Cela dit, un système où le Conseil des ministres pourrait outrepasser un véto donné par
9) Le rapport Novelli, rédigé au nom de
Là encore, la question institutionnelle n’est pas majeure. Il faut que les deux autorités de concurrence, le Conseil et
10) Le rapport Gélard sur les autorités administratives indépendantes, réalisé par l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, recommande notamment une rationalisation du système français des autorités administratives indépendantes. Dans ce cadre, les questions de regroupement de régulateurs intervenant dans des secteurs connexes ainsi que du mode de nominations ont été posées. Que pensez-vous de cette position ?
Parmi les autorités administratives indépendantes, il y a sans doute des aménagements à apporter. Mais le vrai problème reste le mode de désignation de leurs membres. Il faut plus de transparence dans ces modes de désignation, avec un vrai contrôle parlementaire et un débat démocratique.