LIBERATION
Jean-Michel Thénard
"(...)Les adhérents du PS avaient une lourde responsabilité, hier soir, celle de choisir non pas le candidat le plus à même de représenter leur parti à la présidentielle, mais celui le plus capable de battre la droite. La nuance n'est pas simple sophisme.Un militant peut voter en fonction de réflexes d'appareil ou de ses convictions sur la meilleure voie d'avenir pour l'idéologie de son parti. Un électeur de gauche, lui, se préoccupe avant tout de battre la droite. Et de voter utile pour ne pas revivre le traumatisme du 21 avril 2002.
C'est la limite du succès des primaires socialistes qui ont intéressé les Français bien au-delà du cercle restreint du PS, mais laissent les seuls adhérents s'exprimer. En 1995, ils avaient opté pour le candidat de l'opinion. Onze ans plus tard, cela semble avoir fait jurisprudence."
LE FIGARO
Alexis Brézet
"(...) Ses adversaires raillaient la " bulle médiatique " ? La bulle a tenu le choc. Ses concurrents dénonçaient " l'instrumentalisation des sondages " ? Les sondages ne se sont pas trompés : la candidate a su conquérir les militants comme elle avait emporté l'adhésion des sympathisants. La voici donc investie de la lourde charge de porter les couleurs du Parti socialiste à l'élection présidentielle.Il ne faut pas s'y tromper : Ségolène Royal sera pour la droite un adversaire redoutable. Son premier atout, l'évidence mérite d'être rappelée, est d'être une femme. Il y a là une promesse de renouvellement - d'aucuns diraient de " rupture " - dont les électeurs peuvent être assurés qu'elle sera tenue. Et qui oblige ses adversaires masculins à trouver, pour la combattre, le ton juste. Son deuxième atout est d'avoir su, jusqu'ici, se libérer sur un certain nombre de points de la vulgate socialiste.(...)
Débarrassée de ses concurrents socialistes, Ségolène Royal est rendue à son plus dangereux adversaire : Ségolène Royal.
LA DEPECHE DU MIDI
Jean-Christophe Giesbert
"(...) L'envie de renouveau a été si forte que le " parti des professeurs " ne lui a même pas fait payer cette vidéo sournoise dans laquelle elle invitait les enseignants à travailler davantage. C'est dire.
À la différence de ses adversaires de droite ou de ses rivaux socialistes si souvent perdus par leurs faux pas, les épreuves qu'elle a endurées ces derniers mois, plutôt que de l'affaiblir, l'ont sans doute grandie aux yeux des militants. Ces derniers ont vite compris que l'acharnement mis à lui barrer la route, à gauche, et à l'abattre, à droite, témoignait de la capacité de Ségolène Royal à gagner la course à l'Élysée. Longtemps encore, on entendra les experts de tous poils nous rabâcher doctement que Royal a moins la " stature d'homme d'État " que Fabius ou " l'expertise d'un DSK ".
Airs connus. Mais ni les thuriféraires des éléphants, ni les hérauts de l'UMP ne comprendront cette évidence : ce n'est pas une tenante de l'oligarchie politique que les militants socialistes ont voulu mettre à leur tête mais le porte-drapeau d'une gauche renouvelée(...)"
André Schlecht
"(...) Alors que les socialistes ont trouvé leur figure de proue, une partie de la formation du chef de l'Etat déclenche une guérilla contre celui de ses candidats potentiels que les sondages préfèrent nettement. Au nom du débat démocratique, contester le ministre de l'Intérieur est, bien sûr, légitime. Mais l'UMP aura intérêt à abréger ces joutes internes, à ne pas étaler de disputes alors même que le PS sera déjà en mesure de donner l'image d'une dynamique ressoudée.
Après avoir dû entendre que " l'élection présidentielle n'est pas un concours de beauté ", ou " de mensurations ", après avoir vu sa gestion du Poitou-Charentes remise en cause par d'autres socialistes, Ségolène Royal pourrait ainsi redevenir dans les prochaines semaines celle qu'elle avait été dans l'euphorie des dernières élections régionales : la Zapatera, allusion au Premier ministre espagnol qui mena la gauche au pouvoir. (...)"
LA REPUBLIQUE DU CENTRE
Jacques Camus
"(...) Surtout, elle a épousé l'air du temps et incarné une aspiration profonde au changement en se montrant plus pragmatique que politique, en jouant de sa différence et d'une féminité trop souvent agressée. En tout cas, il est une erreur qu'il ne faudra plus jamais commettre désormais: c'est de sous-estimer Ségolène Royal, quelles que soient ses approximations. Cette femme-là s'est construite un destin à force de volonté. Il est peu probable qu'elle dérogera à sa ligne de conduite pour complaire aux "éléphants" vaincus. L'avertissement vaut aussi pour son futur rival de droite.
Et comment ne pas souligner que le "sacre" de Royal est intervenu le jour même où, en Conseil national de l'UMP, des sarkozystes ont brocardé Michèle Alliot-Marie. On sait pourtant désormais qu'en politique, siffler une femme, ce n'est pas une bonne idée."
LES DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE
Olivier Picard
"(...)Elle explique même largement l'aisance avec laquelle la présidente de Poitou-Charentes a surmonté les obstacles pas toujours réguliers qui ont été dressés devant elle tout au long de l'interminable épreuve des primaires. Parce qu'elle a su incarner un élan inédit, les militants socialistes lui ont pardonné des approximations à la limite de la provocation, d'inquiétantes maladresses, et les libertés qu'elle a prises, délibérément, vis-à-vis du projet, pourtant consensuel, adopté par le parti.
Ses adversaires, qui ne l'ont pas ménagée, doivent bien admettre qu'elle a conquis la citadelle socialiste à leur barbe et à leur nez. Un tour de force qui aurait sans doute fait sourire celui dont elle n'a pas craint de se réclamer sans complexes: François Mitterrand. Obtenu dans le cadre d'une participation record, son score, nettement au dessus de la barre des 50 % (à l'heure où nous écrivons ces lignes) la met aujourd'hui "en situation" de pacifier un PS qui pouvait se déchirer."
L'EST REPUBLICAIN
Michel Vagner
"Les éléphants au tapis, Ségolène Royal triomphe.
Une investiture dès le premier tour. Elle y croyait, elle y tenait pour donner plus de poids, plus de force, plus d'énergie à sa candidature à l'élection présidentielle. Elle l'a conquise, de haute lutte mais sans discussion possible. Les résultats sont là. Les sondages ne s'étaient pas trompés. Les militants, les nouveaux et les anciens aussi, ont conforté ce que les sympathisants socialistes pronostiquaient depuis plusieurs semaines. Les coups tordus, les vilaines manières des derniers jours n'y ont rien changé, au contraire.
Peut-être même ont-ils influencé les hésitants en faveur de la présidente de la région Poitou-Charentes, victime - elle en a joué - dès le début de sa course vers la désignation du machisme des caciques du parti ? En une nuit, la madone des enquêtes d'opinion s'est muée en conquérante officielle, adoubée par une large majorité d'adhérents."
SUD OUEST
Bruno Dive
"(...) Plusieurs pages se tournent au PS.
La page ouverte le 21 avril 2002 d'abord, car en désignant largement Ségolène Royal, les militants socialistes ont choisi le renouvellement, mais surtout la candidate la plus à même, selon les sondages, de remporter l'élection présidentielle face à Nicolas Sarkozy. La page du parti d'Epinay ensuite. Le PS et ses adhérents étaient supposés plus à gauche, plus soucieux de la pureté de la ligne, que le magma des sympathisants et des électeurs socialistes. (...)Elle a surtout imposé ses propres thèmes tout au long de la campagne, forçant ses rivaux à se positionner par rapport à elle.
Sa désignation n'est donc que la suite logique des débats de ces derniers mois. Oui, le PS a bien changé hier. Il est en tout cas sorti renforcé de cet exercice de démocratie interne qu'il a su mener depuis deux mois. Un exercice dont l'UMP, qui a montré hier un piètre spectacle, devrait bien s'inspirer."
LA REPUBLIQUE DES PYRENEES
Jean-Marcel Bouguereau
"(...) De cette manière. D'où ses tentatives, peut-être insuffisamment abouties, visant à prôner de nouvelles formes de démocratie participative.
Provoquant un tollé au sein d'une classe politique qui s'est sentie menacée dans ses prérogatives. Mais ce langage pragmatique, cette volonté de poser les vrais problèmes, l'a rendue populaire. Sur la sécurité, les 35 heures et le chômage, l'enseignement et la carte scolaire, elle pose les bonnes questions et ses propositions ont été, tout au long de cette pré-campagne, au centre du débat politique. Qu'ont apporté les autres candidats ? Vous souvenez-vous d'une seule question mise en débat par Fabius ou par DSK ? C'est la fin de ces ténors du discours.
De ces promesses qui n'engagent que ceux qui les reçoivent, selon la vieille formule qui s'est perpétuée tout au long du siècle précédent, d'Henri Queuille à Jacques Chirac en passant par Charles Pasqua. C'est la fin de la politique clefs en main. Et c'est tant mieux."
L'INDEPENDANT
Bernard Revel
"(...) "Bravo l'artiste!" Car c'est vrai: elle a bien réussi son coup. Et quelque part là-haut ou ailleurs, l'autre François, celui qui, avant de mourir, assurait croire "aux forces de l'esprit" a dû être bien épaté.
Comment aurait-il pu imaginer, en effet, de son vivant, que cette jeune femme qu'il avait prise sous sa protection dès 1981, serait un jour la mieux placée pour marcher dans ses pas à l'Elysée? Eh bien, ce jour est arrivé. Inimaginable hier, la candidature de Ségolène Royal a fait son chemin de mois en mois, devenant une possibilité de plus en plus évidente jusqu'à ce qu'elle soit, à présent, une réalité. La dame rose est à présent en première ligne. Ses adversaires ne lui feront aucun cadeau.
Elle a prouvé, au cours des derniers mois, que les coups, d'où qu'ils viennent, ne lui faisaient pas peur. Le chemin vers l'Elysée est encore long. C'est un nouveau combat qui commence. Pour elle, le plus dur est à venir."
LA NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE-OUEST
Daniel Llobregat
"(...) Après cette victoire acquise en quelque sorte sur lui-même, le parti socialiste va devoir se mettre en ordre de bataille pour l'échéance d'avril .
Son candidat désigné, le PS se rassemblera tout entier derrière lui, par nécessité, si ce n'est toujours par plaisir. La perspective d'une victoire balaiera les réticences des uns et des autres. Premier obstacle à franchir : le premier tour de la présidentielle cette fois. Les socialistes, plus que les autres, n'ont pas oublié le coup de tonnerre du 21 avril 2002 : l'élimination de leur candidat Lionel Jospin arrivé seulement en troisième position derrière Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen.
Compte tenu du nombre de candidats à gauche et à l'extrême gauche, le ou la candidate socialiste de n'est pas par avance prémuni contre ce type de mésaventure.A supposer le premier tour franchi, restera à affronter le candidat de la droite. Et ce sera une tout autre histoire."
LA MARSEILLAISE
Christian Digne
"(...)A l'évidence, les militants socialistes - en particulier les nouveaux adhérents - ont préféré la présidente de Poitou-Charentes car ils ont estimé qu'elle était la mieux placée pour rivaliser avec Nicolas Sarkozy. Artifice ou réalité, Ségolène Royal a su, mieux que Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, incarner le renouveau et la volonté de changement. Ces arguments ont chassé à l'arrière-plan les débats fondamentaux sur les projets, et surtout sur les conditions pour réussir enfin une politique de gauche. Or, cette confrontation reste indispensable et urgente si la gauche ne veut pas décevoir et échouer comme elle l'a fait si souvent depuis 1981.(...)"
NICE MATIN
Marc Chevanche
"(...) Comment, en effet, imaginer que le porte-drapeau du Parti socialiste puisse traîner à ses basques les candidats écartés, qui rumineraient leurs ressentiments, qui camperaient sur leurs positions initiales et qui continueraient de les opposer à la ligne majoritairement choisie ? Le Parti socialiste est donc condamné à faire la synthèse mais peut-il transposer, dans le cas d'espèce, les deux règles qui, ordinairement, la gouvernent ? La première règle est la synthèse sur le fond. En principe, l'affaire est faite puisque le dernier résultat d'une telle opération, c'est le programme socialiste. En réalité, on a vu que ce document de référence commune n'empêchait pas d'être lu de trois manières différentes. Des lectures compatibles ? Le vainqueur, en tout cas, le prétendra. La deuxième règle est la répartition des postes. Quand il s'agit de ceux de l'appareil, cette distribution est bien rodée. Mais peut-elle être transposée à la répartition de Matignon et des ministères en cas de victoire ? (...)"