Lionel, rien ne va plus entre nous...
Par Fabien pierre-nicolas, militant socialiste depuis 1998.
QUOTIDIEN : 20 septembre
Lionel, je t’écris car je t’ai soutenu dans le passé mais aujourd’hui, rien ne va plus entre nous. Au soir de ta défaite au premier tour en 2002, j’avais déjà pris la plume pour te confier mon
dépit et tu m’avais alors répondu que tu serais «utile autrement». Je suis jeune, Lionel, j’ai eu 26 ans cette semaine et en 1997, j’avais eu plaisir à voir gagner la gauche. Certes, ce
fut au prix de nombreuses triangulaires, et donc grâce au Front national indirectement, mais j’ai vite oublié ce doute pour voir de vrais progrès sociaux entrer en vigueur : le Pacs bien sûr mais
aussi la CMU et les emplois jeunes. Et puis vint le temps des errements et hésitations entre 2000 et 2002 : tu as choisi d’abord de baisser les impôts pour les plus riches, de défiscaliser les
stock-options et même de dire que le volontarisme politique était mort et conclure par le «mon programme n’est pas socialiste» qui a connu le succès qu’on sait.
Ensuite, tu as annoncé que tu partais pour d’autres horizons mais en réalité, j’ai bien vu que tu regardais toujours du côté de la rue de Solférino sans nous le
dire. Cependant, le téléphone ne sonnait toujours pas pour te rappeler et les militants avaient désormais appris à faire sans toi. Alors tu as choisi la logique du pire : puisque personne ne se
désistait en ta faveur, tu les conduirais avec quelques amis à vivre la pire campagne possible. Oh bien sûr, pas ouvertement mais en distillant des critiques peu amènes dès juin dernier : la mise
en perspective des 35 heures par Ségolène Royal, c’était un «manque de responsabilité» pour Daniel Vaillant, un «problème sérieux» pour Jean
Glavany et inacceptable pour Claude Allègre. Aujourd’hui, tu reviens avec deux objectifs : démolir Ségolène Royal et, à défaut de pouvoir prendre cette place de présidentiable, et servir de
caution morale pour les ambitions nationales de Bertrand Delanoë.
Pourtant Lionel, tu devrais mieux regarder la ligne politique qu’a proposée Ségolène Royal à Melle et La Rochelle : elle est fort proche de certaines des idées
que tu avais commencé à esquisser entre 1997 et 2000. Tu nous proposais des conseils de quartier pour lancer une démocratie participative locale. Ségolène Royal a étendu ce concept à
l’ensemble des sphères citoyennes pour que demain, la politique ne soit plus jamais déconnectée des citoyens comme elle a pu l’être pendant la campagne présidentielle de 2002. Tu nous proposais
des mesures pour que l’interaction entre collectivités locales et entreprises soient plus harmonieuses et que les aides aux entreprises soient le fer de lance de la bataille de l’emploi. Ségolène
Royal a affiné le concept en parlant de filières locales d’excellence mais aussi de ciblage des aides en fonction de secteurs clés pour la compétitivité mondiale et le bien-être des salariés. Tu
évoquais enfin les discriminations au quotidien dans les banlieues. Ségolène Royal a proposé une République métissée et multiculturelle dans laquelle les jeunes de banlieue sont une partie de la
solution. Alors quand aujourd’hui, tu reviens pour démolir la candidate que nous avons choisie à 62 % des voix, nous les militants, et nous donner des leçons pour gagner une présidentielle, j’ai
envie de te dire : non, Lionel, tu n’es pas utile. Tu continues, avec d’autres donneurs de leçons, à creuser les tranchées entre nous au lieu de bâtir des passerelles. Tu ne rends pas même
service à Bertrand Delanoë car les militants se souviendront de ces mauvais remakes de procès de Moscou orchestrés par ses proches. Plus grave, tu ne rends pas service au socialiste de demain en
continuant sur le mythe que les années Jospin sont exemptes de tout reproche sur la sécurité, l’économie ou l’écologie alors même que tu exprimais si bien le besoin d’un droit d’inventaire des
années Mitterrand.
Alors, Lionel, malgré mes tendres souvenirs, j’espère que, comme moi, les militants et le peuple de gauche sauront regarder le passé d’un œil critique pour que
demain, la rose refleurisse vraiment grâce à des débats d’idées et non des attaques entre camarades.
par Thomas
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