Une campagne orchestrée.
Depuis le début de cette année, les cercles proches des grands propriétaires terriens et de l’agro-industrie mènent une bruyante campagne médiatique pour dénoncer les occupations improductives des terres (rebaptisées « invasions »), qui sont le principal outil du MST dans sa lutte pour la réforme agraire. [1] Cette offensive vient de monter d’un cran. Mercredi 26 avril, le président de la Chambre des députés brésilienne, Arthur Lira, a lancé la mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire (CPI) visant le MST. L’objectif officiel de cette commission sera « d’enquêter sur le ‘véritable objectif’ du principal mouvement social du pays, et de se pencher sur ses sources de financement ». Selon le Folha de São Pauloles députés Luciano Lorenzini Zucco et Ricardo Aquino Salles devraient diriger la commission.
Extrême droite et « bancada ruralista » à la barre…
Originaire du Rio Grande do Sul (sud du pays), Luciano Lorenzini Zucco, plus connu sous le nom de « Lieutenant-colonel Zucco », est un élu des Républicains, parti lié à l’Église universelle du Royaume de Dieu et membre de la base alliée de l’ancien président Jair Bolsonaro. Sur son site Internet, M. Zucco ne cache pas ses convictions : « Après 27 ans au service du pays dans l’armée, j’ai reçu de mon ami le général Mourão [vice-president under Bolsonaro] et de Jair Bolsonaro, alors député fédéral, l’appel à servir mon pays sur un autre front de lutte : la politique. J’en ai compris les raisons et j’ai accepté ma mission qui était et continue d’être le sauvetage du vrai Brésil, le Brésil conservateur, patriote, respectueux des lois et des libertés, défenseur de la famille et des enfants.
L’autre figure clé du CCI ciblant le MST est le député Ricardo Aquino Salles. Membre du Parti libéral, Salles a été ministre de l’Environnement sous le président Jair Bolsonaro du 1er janvier 2019 au 23 juin 2021. Il a été contraint de démissionner de son poste après l’ouverture de deux enquêtes judiciaires à son encontre : l’une pour obstruction à une enquête contre un illégal programme de déforestation en Amazonie ; l’autre pour son implication présumée dans un réseau de contrebande de bois. En 2014, alors qu’il faisait campagne pour la Chambre des députés, Salles a publiquement affirmé que les « balles » étaient la « solution » pour contrer les activités du MST.
Dans leur recherche (réussie) des 171 signatures parlementaires nécessaires à l’ouverture d’une CPI, Zucco et Salles ont travaillé main dans la main avec le chef de la «bancada ruralista», la faction parlementaire représentant les grands propriétaires terriens et les entreprises agroalimentaires, le député Pedro Lupion (Parti progressiste ).
La réponse du MST.
L’annonce de la CPI a été faite en un mois hautement symbolique, le mois d’avril. Chaque année, le MST se mobilise dans tout le pays lors des « Journées d’avril » pour réclamer la réforme agraire et commémorer le triste anniversaire du massacre de l’Eldorado de Carajás – le 17 avril 1996, vingt et un ouvriers ruraux membres du MST sont assassinés par les militaires police de l’État du Pará, dans le nord du pays.
Pour João Paulo Rodrigues, membre de la direction nationale du MST, ce CPI – le cinquième visant le MST depuis la création du mouvement dans les années 1980 – s’inscrit dans un plan d’ensemble des milieux conservateurs : « La droite va utiliser le parlement fédéral et les assemblées législatives de tout le pays pour affronter le MST. De plus, ils utiliseront leurs médias, les fake news et les milices armées des clubs de tir des collectionneurs, des tireurs sportifs et des chasseurs. C’est une combinaison maléfique. Le but de ces manœuvres est de museler le principal mouvement social du pays et d’empêcher une résurgence de la lutte pour la réforme agraire sous le nouveau gouvernement Lula.
Dans l’interview accordée au Folha de São Paulo, João Paulo Rodrigues réaffirme cependant la détermination du mouvement à lutter contre cette CPI et à poursuivre son combat pour la réforme agraire. Il rappelle également les deux revendications principales du MST à l’actuel gouvernement Lula : d’une part, l’attribution de terres aux 60 000 familles vivant actuellement dans des colonies ; d’autre part, la mise en place d’un plan global de développement de la création alimentaire et de préservation de l’environnement – qui passe par la redistribution des 200 millions d’hectares de terres improductives du pays.
28 avril 2020
Traduit par Point de vue international depuis A l’Encontre.
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