Les effets de mai 1968 résonnent encore dans toute la France en avril 1973, lorsqu’un horloger de renom dépose le bilan, élaborant des plans de licenciements massifs. L’usine LIP de Besançon, près de la frontière suisse, allait devenir le site de l’une des luttes ouvrières les plus célèbres et les plus acharnées de l’histoire française moderne.
A partir du 18 juin 1973, environ un millier d’ouvriers, dont six cents femmes, occupent leur usine pour protester contre sa fermeture, s’emparent du stock restant de montres, en assemblent d’autres et les revendent, avec le slogan « C’est possible, on fabrique, on vend, on se paie » (C’est possible, on produit, on vend, on se paye).
Mai 68, qui a vu jusqu’à dix millions de travailleurs se mettre en grève, a été un moment où les hiérarchies traditionnelles ont été remises en question partout où elles se trouvaient dans la société. Dans certaines parties du mouvement ouvrier, cela s’articulait autour d’appels à l’autogestion – l’autogestion des travailleurs – contrairement au régime de gestion tayloriste et au manque de dialogue avec les employés qui caractérisait les usines à travers le pays.
Le 16 mai, l’un des plus grands syndicats français, la Confédération française démocratique du travail (CFDT), a publié un communiqué qui avait clairement adopté le principe comme un objectif politique. Il écrivait : « La monarchie industrielle et administrative doit être remplacée par des structures démocratiques basées sur l’autogestion.
Le conflit du LIP a marqué les esprits en France et à l’étranger car il symbolisait ces espoirs d’une nouvelle organisation du travail. Le 29 septembre 1973, une centaine de milliers de personnes participent à une marche à Besançon en soutien aux ouvriers.
Un certain nombre de militants au sein du Parti socialiste unifié ont même proposé Charles Piaget de la CFDT, la figure la plus reconnaissable de la lutte du LIP, comme leur choix pour se présenter à l’élection présidentielle de 1974. Malgré le soutien de Jean-Paul Sartre, Piaget n’a pas été choisi pour briguer la présidence, mais les « hors-la-loi » de LIP ont néanmoins inspiré une génération de militants.
Ils sont expulsés de l’usine par la police anti-émeute du Corps de sécurité républicain (CRS) le 14 août, mais le mouvement se poursuit jusqu’en janvier 1974, date à laquelle un nouveau patron est nommé et les ouvriers sont progressivement réembauchés. LIP a déposé son bilan une deuxième fois en avril 1976 et l’usine a été occupée à nouveau, mais l’entreprise a été liquidée en septembre 1977.
Monique Piton a trente-neuf ans en avril 1973 et travaille comme secrétaire d’un chercheur au LIP lorsqu’elle apprend qu’elle va perdre son emploi. Elle deviendrait une figure vocale du mouvement, poussant notamment à ce que les femmes de LIP soient prises au sérieux autant que les hommes, qui dominaient les postes de direction dans les syndicats.
En 1975, Piton publie un livre sur ses expériences, C’est possible !qui a été republié en 2015. Elle a parlé à jacobin pour le cinquantième anniversaire d’une lutte qui reste le symbole d’une époque où tout semblait possible.
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