12 Janvier

« Elle revient aux fondamentaux du discours public »

 

Guillaume Soulez, sémiologue de la rhétorique, s’est arrêté sur le discours de la candidate PS. Il livre une analyse à contre-courant sur la perception du discours ségolénien.

 

Guillaume Soulez, en quoi le discours de Ségolène Royal est-il singulier ?

Ce que l'on appelle en rhétorique l' « oeonia » - que l'on pourrait traduire par "être bien disposé" -, est particulièrement développé chez la candidate socialiste. Elle prend en compte l'autre, son auditoire. C'est sa force. D'autant que cette tendance à l'empathie se retrouve dans ses propositions politiques, avec la démocratie participative. Ségolène fait de l'oeonia une sorte de principe organisateur de l'ensemble de son discours.

 N'est ce pas un discours populiste ?

Non. Elle en appelle au peuple, mais elle n'est jamais dans la critique des élites, ce qui ne lui interdit pas de les court-circuiter. Son discours n'est pas anti-institutionnel, contrairement à celui de Sarkozy. D'un coté, on a l'autorité avec Sarkozy, de l'autre, l'empathie avec Ségolène.

Les deux semblent néanmoins user des mêmes ficelles marketing.

Au contraire. Leur avènement symbolise l'usure du marketing politique. Sarkozy marche actuellement parce qu'il semble avoir renoué un lien entre les actes et les discours. Royal, elle, revient à des fondamentaux du discours public que l'on avait oublié. Il est d'ailleurs symptomatique que sa principale conseillère, Sophie Bouchet-Petersen, ne soit pas une communicante mais quelqu'un qui fait le lien avec les milieux intellectuels.

Ne joue-t-elle pas quand même de son apparence ?

 

Elle est jolie, mais on ne peut pas expliquer un succès politique par cela. D'un point de vue iconographique, elle utilise des symboles. Avec ses robes blanches, son sourire absolu, elle a l'air inattaquable, un peu comme la Vierge, qui prend sur elle les souffrances pour créer de l'amour. Mais elle ne joue pas de sa féminité, elle l'affirme tranquillement.

Alors, à qui s'adresse exactement Ségolène Royal ?

A tous ceux qui veulent changer quelque chose. Déjà, pendant la campagne interne du PS, elle était dans cette logique. Aujourd'hui, elle propose aux Français de déterminer le caractère concret de ses propositions et s'offre comme une chambre d'écho : « donnez moi la nourriture pour que votre parole soit entendue et je l'incarnerai. » En quelque sorte, quand Royal intervient, c'est également son interlocuteur qui parle. Et elle en tire sa crédibilité.

 

Entretien Thomas Goubin

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